lundi, décembre 04, 2006

Wikipédia et la Chine...

21 novembre 2006

Pourquoi la Chine n’aime pas Wikipedia

Wikipedia est bloquée en Chine depuis plus d’un an. Les autorités de Pékin semblent toutefois embarrassées par cette censure. La semaine dernière, elles ont d’ailleurs rouvert l’accès à l’encyclopédie en ligne. Des milliers d’internautes s’étaient alors rués sur le site, y postant plus d’articles en chinois que dans n’importe quelle autre langue – sauf l’anglais. Les censeurs se sont toutefois ravisés quelques jours plus tard et ont refermé le robinet.

Le principe même de Wikipedia, une encyclopédie entièrement rédigée par les internautes, n’est pas acceptable par la Chine. Dans ce pays, qui tente de préserver un credo communiste sur le plan politique tout en s’ouvrant au capitalisme sur le plan économique, les médias sont toujours considérés comme les porte-voix du gouvernement. Dans l’empire du milieu, comme au Viêt-nam ou à Cuba, la mission des journalistes n’est pas uniquement de rapporter les faits, elle est surtout « d’éduquer » et de « conduire le peuple ». Ainsi, les informations ne sont jugées valables que s’ils elles ne nuisent pas à « l’harmonie sociale » du pays. Et c’est au gouvernement qu’il revient de trier les contenus utiles de ceux considérés comme « subversifs ». Or Wikipedia échappe au contrôle des autorités. Il est impossible de mettre la main sur une publication qui n’a ni comité éditorial ni personnalité juridique en Chine. Le gouvernement a appris à imposer ses vues aux entreprises commerciales, comme Yahoo ! ou Microsoft, mais il ne sait pas négocier avec cette entité dépourvue de centre névralgique.

La seule solution semble donc de bloquer complètement l’accès à l’encyclopédie. Mais une mesure aussi radicale n’est pas non plus satisfaisante. Wikipedia publie certes certains contenus politiquement sensibles, comme les articles sur le mouvement spirituel Falungong, ou ceux sur les massacres de la place Tiananmen, mais la majorité des informations est sans conséquences pour le régime chinois. Et cette encyclopédie est devenue une base de connaissances particulièrement prisée par les étudiants et les chercheurs, qui y trouvent une multitude de contenus gratuits et relativement fiables. Pékin se trouve donc dans une situation délicate : il ne peut autoriser l’accès aux pages subversives, mais il ne souhaite pas non plus se priver complètement de cet outil. D’où cette valse-hésitation des censeurs que l’on observe depuis plusieurs mois.

Les choses auraient été plus simples si les responsables de Wikipedia avaient accepté de retirer eux-mêmes les contenus « offensants ». Mais voilà, ces derniers n’ont pas réagi aux pressions en s’autocensurant, comme l’avaient fait avant eux Yahoo !, Google et Microsoft. Pourquoi ? Tout d’abord, c’est vrai, parce que Wikipedia n’est pas une entreprise commerciale. Elle n’est pas soumise à la vindicte de ses actionnaires et n’est pas dans l’obligation d’aligner chaque mois des profits en hausse. Mais aussi parce que les fondateurs de l’encyclopédie s’accrochent à leurs principes. Wikipedia a été conçue comme une base de connaissances libre et ouverte, et refuse donc qu’une autorité centrale y soit instituée.

Et il est possible que la stratégie de l’encyclopédie soit payante à terme. Les dirigeants chinois étant avant tout pragmatiques, ils vont peser les avantages et les inconvénients d’une censure complète de Wikipedia. On peut ainsi espérer que dans quelques mois, les autorités opteront pour une solution de filtrage plus fine. Un système qui ferait disparaître les articles déplaisants, tout en laissant aux internautes la possibilité de contribuer sur des sujets sans implication politique. Et ce serait déjà un grand pas en avant. Car la démarche même de l’encyclopédie, comme celle des blogs, donne aux citoyens chinois une voix qui, même si elle est censurée, a le mérite d’être la leur.

Julien Pain
Responsable du bureau Internet et libertés de reporters sans frontières

1 commentaire:

Unknown a dit…

Ben...Je m'étais trompé que c'est vous les auteurs...
Comme ce que j'ai dit à Céline,il faut suivre la direction correcte du PC,eh...